Ananda Devi

La chair de l’écriture

 

Ananda Devi occupe dans la littérature une place singulière. Elle-même, comme d’autres écrivains contemporains, revendique son appartenance à une « littérature-monde ». Ses œuvres de langue française possèdent un ancrage géographique et national mais leur véritable patrie, c’est la  poésie, la fiction littéraire et la vie spirituelle : en ce sens, elles dépassent et même abolissent  toutes  frontières.

L’itinéraire d’ANANDA DEVI est celui d’une femme écrivain qui interroge le monde, roman après roman. Du lieu fondateur, l’Ile Maurice, où elle est née, de l’océan Indien où sont publiés ses premiers livres, de l’Inde qui est à la fois  le lieu d’origine  de sa famille et un lieu de prédilection  jusqu’aux différents lieux d’Europe où elle vit et publie (désormais dans la collection blanche de Gallimard) on peut suivre un parcours exceptionnel. Ses romans reflètent la diversité culturelle et son écriture évolue à la lisière de la poésie. Cependant si l’on doit y trouver une constante, c’est bien celle-ci :   au cœur des fictions d’ANANDA DEVI, se trouve la chair, le corps, la vie des femmes.

Ainsi, noms de lieux, noms et destins de femmes sont en permanente interrelation.

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Shenaz PATEL, SENSITIVE

Enfance brisée, société en perte de repères

Sensitive (éditions de l’Olivier/Seuil, 2003) a été précédé par Le portrait Chamarel (éditions Grand Océan, la Réunion, 2003) et suivi par Le silence des Chagos, (l’Olivier/Seuil, 2005). L’auteure, Shenaz Patel, journaliste au moment où elle publie, témoigne aussi bien des mutations sociales récentes que de l’évolution de l’écriture littéraire. Lire la suite >

Shenaz PATEL, LE SILENCE DES CHAGOS

Roman d’un exil forcé

Avec Le silence des Chagos, paru aux éditions de l’Olivier en 2005, l’écriture s’empare d’épisodes historiques majeurs pour l’île Maurice : l’accès à l’indépendance  et l’accord entre les USA et la Grande-Bretagne pour installer une base militaire sur l’île de Diégo Garcia, dans l’archipel des Chagos. Cet archipel est présenté de manière poétique, comme « une pluie d’îles posées sur la mer. »

Dédié à des personnes réelles, « Charlesia, Raymonde et Désiré », ayant « confié leur histoire », Le Silence des Chagos relève-t-il du récit de vie ou du témoignage plutôt que du roman ? De fait, l’auteure adopte la forme romanesque et utilise les techniques narratives propres à celui-ci, en particulier le traitement de la temporalité avec un éclatement de la chronologie qui met en valeur les aspects dramatiques. Images et leitmotiv, poésie des évocations, sensibilité de la narration sont aussi ce qui institue le texte en récit littéraire. D’ailleurs, selon l’auteure elle-même, il s’agit d’une fiction, puisqu’il y a construction romanesque,  réorganisation des témoignages, invention de personnages, ou transformation de personnes en personnages, stylisation propre aux fictions. On y trouve même un personnage non humain, le Nordvaer, le bateau de l’exil à qui est donnée la parole.

Mais les événements évoqués sont bien réels et l’auteure, comme d’autres artistes par la suite, affirme à ce sujet son engagement et sa volonté de voir évoluer la situation, voire de constituer une pression. Lire la suite >

Shenaz PATEL, LE PORTRAIT CHAMAREL

Métissage rêvé, réalités de la condition des femmes.

Le roman paru en 2003, aux Editions Grand Océan et réédité récemment, raconte l’histoire d’une jeune fille, Samia, qui rêve d’une société métissée, « chamarrée », plus juste et plus fraternelle. Le portrait ancien que la jeune fille découvre est à la fois l’objet symbolique et la clé du secret familial qu’elle décryptera peu à peu : une histoire d’amour impossible et tragique entre deux amants séparés par leur appartenance ethnique et sociale. Culture religieuse et morale, préjugés, conformisme créent des barrières que l’on ne peut franchir sans risque. Lire la suite >

Polyte de SAVINIEN MEREDAC (1880-1939), 1926.

Paru dans la revue L’Atelier d’écriture n°4, novembre 2009

Polyte est considéré comme « un des chefs d’œuvre de la littérature mauricienne » mais il existe peu de critique littéraire concernant cette œuvre et, à ma connaissance, aucune récente. Grâce à la revue L’Atelier d’écriture éditée par Barlen Pyamootoo depuis juin 2009, les lecteurs mauriciens et les abonnés de tous lieux ont pu découvrir ce texte. Il serait dommage que Polyte ne soit pas lu à la lumière des connaissances littéraires et des valeurs du XXI° siècle. Voilà le sens de ma lecture. J’avoue au passage mon ignorance du contexte littéraire mauricien de 1926. Et comment ce roman a-t-il été accueilli ? Quels commentaires a-t-il suscité ? La seule critique que j’ai trouvée est bien postérieure à la mort de l’auteur et elle témoigne d’une lecture – à mon avis-  assez peu approfondie de l’œuvre. Quoiqu’il en soit, on trouvera ici l’expression d’une subjectivité, et d’un amateurisme revendiqué en matière de critique littéraire ! Lire la suite >

Bibliographie de la poésie mauricienne contemporaine

LITTERATURE de l’ILE MAURICE : Poésie (mise à jour : juillet 2009 grâce à Kadel Yusuf, poète)

Recueils mauriciens récemment publiés :

2008 :« Calindromes » (Poésie),  éd Vilaz Métiss, Île Maurice : Michel Ducasse.

2009 :« Vagabondages » (Poésie), éd L’Harmattan, Paris : Umar Timol.

2008 : « Bann Fler sovaz » (Poésie), auto-édition, Île Maurice : Tahir Hussen Pirbhay. Lire la suite >

Sur LE CLEZIO

(QUELQUES REFLEXIONS TOTALEMEMENT SUBJECTIVES)

Je m’aperçois que Le Clezio m’a accompagne depuis longtemps. Très discrètement. De loin en loin. Sans bruit. Au point que, jusqu’à présent,  j’ai rarement parlé de lui… Par exemple, au mois de septembre de l’année dernière, quand j’étais en congé de maladie, je lui dois mes meilleurs moments. Lire, pendant plusieurs jours a été mon activité principale. Rare. J’ai vécu alors en quarantaine, je veux dire avec La Quarantaine. Ce roman se passe sur l’île Plate, un des îlots qui en quelque sorte démultiplient l’île principale : Maurice.  L’île  Plate, à son tour,  se démultiplie en un îlot minuscule que l’on atteint à pied sec à maréee basse. C’est là que l’on envoyait mourir les plus atteints des malades mis en quarantaine à l’île Plate.  Les pailles en queue à brins rouges nichent sur cet îlot et volent autour de ces rochers volcaniques. L’auteur y fait sans cesse référence. Le récit est comme scandé par les cris des pailles en queue (phaeton rubricauda). Pour des quantités de raisons, littéraires, poétiques, géographiques, affectives, j’aime ce livre. Lire la suite >

Inventerres

INVENTERRES se présente comme un carnet de bord écrit par une narratrice jamais lassée d’observer et déchiffrer ce qui l’entoure. C’est une découverte progressive de l’Ile de la Réunion, dont le fil conducteur est le langage. Les mots orientent la découverte : ils désignent des lieux, terres, rivières, montagnes, ravines qui existent d’abord sur le papier, sur une carte de l’île : elle ira à leur rencontre. Elle se passionne pour les noms des végétaux, des animaux, et pour tous ceux qui révèlent la présence humaine : noms de rues, souvenirs des disparus, traces du passé historique. Elle relève aussi des traces plus humbles : messages griffonnés dans l’espace public, ou sur les calumets, petits mots d’amour maladroits. Elle va à la rencontre des arbres, banians et vacoas, des fleurs sauvages et et de celles qui ornent les jardins : pour les nommer autant que pour les voir et les respirer.

Elle regarde les oiseaux, ses amis de toujours et jusqu’aux empreintes que laissent leurs pattes légères sur le sable sombre. Lire la suite >

Si je vous dis

Si je vous dis lagon vous JE

voyez fleur de tiaré vahiné bleu turquoise cocktail un verre givré

sur plateau

porté par A-nonymes en U-niforme

bien repassés par A-nonymes entassés dans la soute

du Cinq étoiles

parasol à franges

parade les aras font la roue

palmes en rythme un régiment de cocotiers dressés

au sol sable importé

blanc fin raffiné

à votre nez gardez le parfum des jasmins

les fragrances des frangipaniers

ondulent le cul des filles brille noire la peau des garçons

criez bravo

vide mental corps massé par A-nonyme aux doigts de fée

rien à faire rien à penser sans chéquier sans papier juste des perles carte bleue lagon bleu ça n’a pas de prix le soleil JE

poissons bariolés coraux doux à l’œil pas toucher

toucher corps à l’œil ou payé   boissons incluses

Si je vous dis lagon JE

me dis c’est  barrière pire que barbelée où est la passe Lire la suite >

Figures féminines dans la littérature mauricienne

Représentations du féminin dans les récits de Shenaz PATEL : comment se croisent représentations occidentales et orientales dans les figures de victimes.

Mots clés : littérature, Océan Indien, Shenaz PATEL , Ile Maurice, fiction, récit d’enfance.

Cette communication s’inscrit dans le champ de la littérature francophone contemporaine de l’île Maurice. Elle a été présentée au colloque CRHLOI (Centre de ressources pour l’histoire et la littérature de l’Océan Indien),  Université de la Réunion, en 2007qui avait pour thème : « Représentations comparées du féminin en Orient et en Occident »

Résumé : Les trois œuvres Portrait Chamarel (Grand Océan, 2001), Sensitive (éditions de l’Olivier/Seuil, 2003), Le silence des Chagos (éditions de l’Olivier/Seuil, 2005) reflètent les tensions du monde mauricien contemporain. Si, au début se construit une utopie,  les difficultés de repérages  identitaires et sociaux définissent des  situations sans issue. Dans les différents scénarios, c‘est presque toujours le  visage silencieux des femmes qui exprime la douleur des victimes. Lire la suite >