Ultima Colomba

Tout avait commencé un jour où le ciel était gris plombé. Les employés municipaux avaient placardé une affiche interdisant de nourrir le columba livia forma domestica. L’affiche comportait en son centre un portrait ornithomètrique de l’espèce incriminée. Toute la population était incitée à collaborer et, pour achever de l’en convaincre, une amende de trois millions d’euros menaçait quiconque serait surpris à donner à manger aux columba. Il était également interdit d’abandonner de la nourriture là ou il serait possible à ceux-ci d’accéder. Ainsi, la ville redeviendrait hygiénisable mais comme elle serait triste, se dirent les passants qui découvraient l’affiche, et comment convaincre les enfants qui aiment tant nourrir les oiseaux ? Lire la suite >

Dragon

J’ai la chance d’avoir un ami qui partage ma passion pour la peinture de Carpaccio. C’est Emilio, le vieux gardien de la Scuola de San Giorgio degli Schiavoni, ce lieu de recueillement, situé près de San Zaccaria, dans le quartier de l’Arsenal. Autrefois, je ne vous aurais pas donné l’adresse mais désormais elle se trouve, hélas, dans tous les guides, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il y ait quelques intrus de plus dans ce qui fut mon sanctuaire.

Il y a bien des années maintenant que je travaille sur les oeuvres de Vittore Carpaccio, et en particulier sur ses diverses interprétations du dragon. Voilà pourquoi je connais bien Emilio. Quand j’ai commencé cette étude, personne ne visitait jamais la Scuola, sauf les étudiants des Beaux-arts et quelques rares érudits. Il fallait alors prendre rendez-vous avec Emilio, qu’il vous agrée, obtenir de lui la clé et sa compagnie pour visiter la Scuola. Inutile de préciser quel effet pouvait produire, sur un amateur d’art, ce lieu consacré à la peinture du maître du Cinquecento. Lire la suite >

Caps !

On ne sait pas qui avait introduit la mode des chapeaux colorés mais désormais tous les touristes en portaient. C’était un achat systématique en arrivant dans la ville, ils se coiffaient de casques mous, de hauts de forme sans forme, de bérets géants, de bonnets à grelots, de bicornes cocasses, de melons mollasses à tranches rouges et mauves, de galurins verts et jaunes, comme les fous des rois d’antan. On les repérait de loin, à la couleur, au bruit, aux gesticulations.

Des familles entières parfois arboraient le même couvre-chef et tout le monde était si fier d’être grotesque que le maire de la ville, qu’on appelait le néo-doge, eut l’idée de rendre le chapeau obligatoire, une sorte de droit d’entrée dans la ville, en quelque sorte, celle-ci ne méritait-elle pas qu’on acquittât volontiers un impôt supplémentaire ? Lire la suite >